Science in Society Archive

Biocarburants : dévastation biologique, famines et crédits de carbone faussés

La soif de l'Europe en biocarburants entraîne des déboisements et une augmentation des prix des denrées alimentaires, lesquels sont aggravés par un système comptable inapproprié et erroné qui attribue des crédits de carbone aux nations les plus extravagantes et dissolues.

Un système obligatoire de certification pour les biocarburants est indispensable pour protéger les écosystèmes forestiers les plus sensibles sur la terre, pour stabiliser le climat et pour sauvegarder notre sécurité alimentaire, nous dit le Dr. Mae-Wan Ho.

La version originale en anglais s'intitule Biofuels : Biodevastation , Hunger & False Carbon Credits ; elle contient toutes les références bibliographiques et elle est accessible par les membres de l'Institut I-SIS sur le site suivant : www.i-sis.org.uk/ BiofuelsBiodevastationHunger .php

Les biocarburants ne pas nécessairement neutres vis-à-vis des émissions de carbone ni soutenables en terme de développement

Les biocarburants sont des carburants dérivés des plantes cultivées et ils incluent la biomasse directement brûlée, en particulier le biodiesel issu des graines oléagineuses et le bioéthanol provenant de la fermentation de graines, de sève, d'herbes, de paille ou de bois [1] ( Biofuels for Oil Addicts , SiS 30). [ ¤ La version en français s'intitule ' Energie Des biocarburants pour les inconditionnels du pétrole Quand la solution alternative est pire que la dépendance ' ; elle sera prochainement accessible sur Internet].

Les biocarburants ont été favorisés par certaines instances politiques, et ceci de manière erronée : les biocarburants ont été perçus comme neutres vis-à-vis des émissions de carbone et il a été considéré qu'ils n'ajoutent aucun gaz à effet de serre dans l'atmosphère ; on a admis que la combustion de ces biocarburants renvoyait simplement dans l'atmosphère le gaz carbonique que les plantes assimilent lorsqu'elles croissent dans la nature.

Cette vision des choses ignore les coûts en émissions de carbone et en énergie qui sont utilisés pour produire les engrais et les pesticides qui servent à la fertilisation des cultures, pour le fonctionnement des équipements agricoles, pour les traitements industriels de la matière brute, pour les usines de raffinage, ainsi que les coûts des infrastructures de transport et de distribution.

Les surcoûts résultant des émissions de carbone et d'énergie peuvent être tout à fait substantiels, en particulier si les biocarburants sont fabriqués dans un pays pour être exportés dans un autre, ou bien – et c'est encore plus grave -, si les matières premières, telles que des huiles de graines oléagineuses sont produites dans un pays afin d'être raffinées dans d'autres. Ces deux situations sont vraisemblables et inévitables si les tendances actuelles se confirment.

On assiste à une demande croissante en biocarburants

Les demandes en biocarburants se développent d'autant plus que les réserves mondiales en carburants fossiles se tarissent. Les prix du gaz et du pétrole ont augmenté rapidement au cours des dernières années, pendant que la pression s'accentue pour réduire les émissions de carbone afin d'atténuer le réchauffement planétaire : on se tourne de plus en plus vers les biocarburants comme l'une des principales solutions.

George W. Bush a proposé les biocarburants pour soigner le penchant de son pays et sa dépendance pour le pétrole [1]. « Une vision d'un milliard de tonnes », un projet dévoilé [2] pour rendre disponible 1,3 milliard de tonnes de biomasse sèche pour l'industrie des biocarburants vers le milieu de ce siècle, avec l'objectif de fournir 30 pour cent du carburant nécessaire aux Etats Unis, si tout marche bien, en tenant compte d'une augmentation de cinquante pour cent des rendements des plantes destinées à cet usage.

Au Royaume-Uni, la société Biofuels Corporation plc, la première installation de transformation pour fabriquer du biodiesel, d'une capacité de 250.000 millions de tonnes, a été inaugurée par Tony Blair à la fin juin 2006 [3] ; elle emploiera des huiles de ricin et de palme importées, ainsi que des huiles de graines de colza produit dans le pays, pour faire du biodiesel. Mais le Royaume-Uni est à la traîne, parmi les autres pays européens de l'Union Européenne, pour l'utilisation des biocarburants.

La Directive sur les biocarburants de l'Union Européenne entraîne ce type d'industrie vers des pays du tiers monde

L'Union Européenne (UE) a adopté une directive sur les biocarburants en mai 2003 pour promouvoir l'utilisation des biocarburants dans le transport, à raison de 5,75 pour cent de part de marché d'ici 2010, pour atteindre jusqu'à 8 pour cent autour de 2015 [4]. Ces cibles ne seront probablement pas atteintes d'après les projections actuelles. La part de marché pour l'Europe à 25 est de 1,4 pour cent ; l'Autriche est en tête avec 2,5 pour cent, alors que la part du Royaume-Uni n'est que de 0,2 pour cent seulement.

La Commission européenne devait rédiger un rapport sur l'état d'avancement avant la fin de l'année 2006. Elle a diffusé un document pour une consultation publique qui s'est terminée en juillet 2006. Parmi les questions considérées, il a été fait mention d'un besoin d'un schéma de certification des de biocarburants basée sur des normes de soutenabilité ou durabilité . Les pays de l'UE accroissent déjà les mises en cultures de plantes bioénergétiques, principalement le colza oléagineux. On accorde un allégement fiscal et des incitations fiscales pour des biocarburants dans au moins une dizaine de pays [5].

Les terres agricoles mises en jachère en Europe et qui sont censées protéger et conserver la biodiversité, sont susceptibles d'être à nouveau rendues disponibles pour une agriculture destinée à accroître les surfaces cultivées avec des plantes bioénergétiques [6] ( Biodiesel Boom in Europe? SiS 30).

Un rapport publié en 2002 par le groupe CONCAWE - l'Association européenne des sociétés huilières pour l'environnement, la salubrité et la sûreté dans le raffinage et la distribution - estimait que si chacun des 5,6 millions d'hectares de jachères dans les pays de l'EU à 15, était intensivement cultivé avec des plantes bioénergétiques, nous pourrions seulement économiser 1,3-1,5 % d'émissions rejetées par les transports routiers, ou encore autour 0,3 % d'émissions totales de ces 15 pays [7].

Ces estimations et d'autres tout aussi pessimistes [8], alimentent l'idée d'une croissance des industries des biocarburants dans des pays du tiers monde, où, comme on nous le raconte, il y aura de ce côté-là une abondance de terres « disponibles » pour accroître les cultures de plantes bioénergétiques. Le soleil y brille tout au long de l'année, les végétaux s'y développent plus rapidement, produisent davantage et le coût de la main-d'oeuvre y est bon marché.

Cependant, dans le cas des plantes modifiées génétiquement, on nous raconte qu'il n'y a pas assez de terres disponibles et que nous avons besoin de ces plantes génétiquement modifiées pour augmenter les rendements afin d'alimenter tout le monde. Jusqu'à présent, les plantes modifiées génétiquement n'ont pas contribué à l'augmentation des rendements et elles sont rejetées massivement dans le monde entier, particulièrement dans les pays africains où des aliments issus d'OGM et destinés au bétail et aux êtres humains, ont été envoyés en tant qu' « aide alimentaire » [9].

Les sociétés de biotechnologie ont déjà fait la promotion des plantes génétiquement modifiées en tant que sources énergétiques et elles tablent sur une réglementation moins sévère et une meilleure acceptation de la part du public, arguant du fait qu'elles ne serviront pas pour l'alimentation des êtres humains et des animaux.

Mais cela laissera la porte grande ouverte pour une contamination de notre écosystème et des plantes vivrières, par les plantes génétiquement modifiées qui sont loin d'être sûres en terme de sécurité alimentaire [10] ( Making the World GM-Free & Sustainable ). [ ¤ La version en français est intitulée ' Développement durable – OGM - Pour un monde soutenable, durable et sans modifications génétiques ' ; elle sera prochainement accessible sur Internet.]

Le Centre de recherche en matière d'énergie au Royaume-Uni, United Kingdom Energy Research Centre, qui se compose des membres de tous les Conseils pour la Recherche du gouvernement, a déjà inclus « la perception publique et l'utilisation des biotechnologies avec des modifications génétiques pour le secteur des bioénergies » dans son document intitulé 'Un défi à court terme pour la recherche' [11]

Le déboisement, l'extinction d'espèces vivantes et l'augmentation des prix de denrées alimentaires

Les informations sur les biocarburants sont bien mauvaises, particulièrement pour les pays pauvres du tiers monde. Les plantes bioénergétiques prennent la place sur des terres valables pour la culture des plantes alimentaires et la sécurité alimentaire devient une question brûlante. Les rendements de grains du monde ont chuté au cours de six années dans les sept dernières qui viennent de s'écouler, amenant les réserves alimentaires à leur plus bas niveau depuis plus de trente ans [12].

L'épuisement chronique des couches aquifères dans les principaux bassins de production de céréales du monde, ainsi que la sécheresse et l'élévation des températures, apportent une contribution négative et accentuent les dommages à la production de nourritures. La pression exercée par les plantes alimentaires, mais également par les plantes bioénergétiques, sur les terres cultivables, va certainement accélérer le déboisement et l'extinction de certaines espèces vivantes ; dans le même temps, il en résulte une augmentation des prix des denrées alimentaires au niveau mondial, frappant les pays les plus pauvres, et tout spécialement les pays qui souffrent déjà de faim ou de malnutrition.

Il n'y a aucune terre disponible pour les plantes comme sources d'énergie

Les calculs basés sur le meilleur scénario, avec des niveaux de rendements agricoles irréalistes, et avec une récupération élevée lors des traitements industriels pour les biocarburants, indiquent qu'il faudrait atteindre 121 pour cent de tous les champs cultivés aux Etats-Unis, afin d'accroître suffisamment la biomasse pour remplacer les carburants et les combustibles fossiles consommés tous les ans [1].

Le rapport technique que l'Union Européenne a publié en 2004, prouve que la cible de 5,75 pour cent de substitution des combustibles fossiles par des biocarburants, exigera au moins 14 à 19 pour cent de champs cultivés pour cultiver les plantes énergétiques nécessaires. [8]. Il n'y aura plus de terres réservées pour les jachères afin de protéger la biodiversité naturelle, car elles représentent déjà un total de 12 pour cent des terres cultivables de l'UE. Les données obtenues par les satellites indiquent que 40 pour cent de la terre sont déjà consacrés à l'agriculture [13], à la fois pour des plantes cultivées ou des pâturages. Il n'y a aucune terre qui soit disponible pour les besoins croissants de nourritures, et encore moins pour les plantes bioénergétiques .

Le déboisement s'accélère sous les tropiques : au Brésil, en Malaisie et en Indonésie

Les forêts tropicales constituent les stocks les plus riches en carbone et elles sont les plus efficaces au monde comme puits de carbone . Les évaluations courantes donnent un stockage du carbone qui peut atteindre jusqu'à 418 tonnes par hectare et de 5 à 10 tonnes de carbone sont séquestrées chaque année par hectare de forêts, dont quarante pour cent est sous la forme organique du carbone dans le sol [14] ( Sustainable Food System for Sustainable Development , SiS 27). [ ¤ ]

[ ¤ La version en français s'intitule : ' Agriculture - Un système de production alimentaire soutenable pour un développement durable ' ; elle est accessible sur le site suivant :

www.indsp.org/SFSSSDfr.php ]

Le carbone stocké dans de vieilles forêts en croissance serait encore plus important et selon une nouvelle étude émanant du Sud-Est de la Chine, le taux de carbone organique qui se trouve juste dans les 20 premiers centimètres de sol, dans de telles forêts anciennes mais en croissance, se seraient accrues annuellement à raison de 0,62 tonne de carbone en moyenne chaque année entre 1979 et 2003 [15].

Lorsque des forêts tropicales sont abattues à un rythme de plus de 14 millions d'hectares par an, quelques 5,8 Gt de carbone sont libérés dans l'atmosphère, dont seulement une fraction pourra être séquestrée en retour par des mises en culture. La pression supplémentaire qui s'exerce sur les terres par les plantes bioénergétiques implique donc encore plus de déboisement et une plus grande accélération du réchauffement planétaire et de l'extinction d'espèces vivantes.

Jusqu'ici, de vastes bandes de la forêt amazonienne au Brésil ont déjà été abattues pour que la culture de soja puisse alimenter l'industrie de la viande. Si l'on ajoute le biodiesel à partir du soja, c'est la disparition de la forêt entière. En même temps, les plantations de canne à sucre qui alimentent l'énorme industrie du bioéthanol au Brésil, empiètent également sur l'Amazonie, mais la situation est pire encore et bien plus critique dans les forêts atlantiques et dans le Cerrado, un écosystème de prairies qui offre une très grande biodiversité, déjà détruit au deux tiers ou largement dégradé [16] ( Biofuels Republic Brazil , dans cette série). [ ¤ ]

[ ¤ La version en français s'intitule : ' Energie Brésil : le pays des biocarburants ' ; elle sera bientôt accessible sur Internet.

La pression exercée sur les forêts en Malaisie et en Indonésie est encore bien plus dévastatrice. Le rapport des 'Amis de la Terre', intitulé The Oil for Ape Scandal [17] révèle, qu'entre 1985 et 2000, le développement des plantations du palmier à huile était responsable d'une surface de déboisement estimée à 87 pour cent environ en Malaisie. Sur la grande île de Sumatra et à Bornéo, en Indonésie, 4 millions d'hectares de forêts ont été perdus au profit du palmier à huile. Et il est encore programmé l'abattage supplémentaire sur des surfaces, respectivement de 6 et de 16,5 millions d'hectares en Malaisie et en Indonésie.

L'huile de palme est maintenant désignée sous le nom du « biocarburant du déboisement » [18], car la production d'huile de palme en Indonésie et en Malaisie se projette nettement dans la fièvre qui s'empare des biocarburants. L'huile de palme est déjà employée couramment dans l'industrie alimentaire et dans les produits de beauté, après avoir remplacé le soja comme huile de table principale au niveau mondial. Et comme les prix des carburants et du gaz ont crevé le plafond, l'huile de palme est en train de prendre la place comme principale plante bioénergétique . Avec des rendements de 5 tonnes (ou de 6.000 litres) d'huile brute par ha et par an, le palmier à huile produit du coup plus que n'importe quelle autre plante oléifère [19] ; par exemple, le soja et le maïs produisent respectivement seulement 446 et 172 litres par hectare et par an.

La production mondiale actuelle d'huile de palme est supérieure à 28 millions de tonnes par an et elle est partie pour doubler d'ici 2020 [18]. La Malaisie, qui le producteur principal mondial et exportateur d'huile de palme, va rendre obligatoire la distribution d'un diesel avec cinq pour cent d'huile de palme d'ici 2008 ; de son côté, l'Indonésie planifie la division par deux de sa consommation nationale de pétrole autour de 2025, par une substitution avec des biocarburants. La Malaisie et l'Indonésie ont annoncé un engagement commun de produire chacun 6 millions de tonnes d'huile de palme brute par an pour alimenter le secteur de production des biocarburants.

Les prix de denrées alimentaires augmentent d'autant plus que les plantes vivrières sont détournées pour produire des biocarburants

La demande des biocarburants a fait que les plantes vivrières traditionnelles sont remplacées par des plantes bioénergétiques. La nourriture et l'énergie se concurrencent maintenant sur le même terrain, avec pour résultat que les prix des denrées alimentaires ont augmenté de manière substantielle, au delà du prix du pétrole et du gaz naturel qui entrent normalement dans la production de la nourriture. En 2006, autour de 60 pour cent du total des graines de colza oléagineux produites dans l'Union Européenne sont entrés dans la fabrication du biodiesel [20]. Le prix d'huile de graine de colza a augmenté de 45 pour cent en 2005 et puis encore de 30 pour cent supplémentaires, à environ à 800 $US par tonne. Le géant du secteur alimentaire, le groupe Unilever a estimé à environ 200 euros par tonne, l'augmentation probable des prix au cours de l'année 2007, face à une demande accrue de biodiesel. On estime que le coût supplémentaire à supporter par les fabricants d'aliments, à cause du biodiesel, sera de près de mille euros d'ici 2007.

Le prix des céréales a augmenté rapidement. Le prix du maïs américain a augmenté de plus de 50 pour cent depuis septembre 2006 [soit en un trimestre] ; il a maintenant atteint une hausse à 3,77 US $ par boisseau. La demande des Etats-Unis en bioéthanol a détourné le maïs des exportations habituelles, laissant désespérés les acheteurs de maïs en Asie [21].

Les prix mondiaux du blé ont également connu une hausse de 300 $US par tonne en octobre 2006 [22], à cause de la perspective angoissante d'une crise d'approvisionnement dans les 12 mois suivants, s'il survenait une autre année décevante pour la production mondiale [23]. De plus, la demande croissante des biocarburants pourrait avoir des répercussions sur d'autres plantes comme le blé, le maïs et le soja.

Il en résulte d'autres impacts environnementaux

Les plantes bioénergétiques épuisent les éléments minéraux du sol et en réduisent la fertilité sur le long terme, rendant celui-ci moins à même de répondre aux besoins alimentaires croissants. Les déchets des traitements industriels des biocarburants ont des impacts négatifs substantiels sur l'environnement, qui n'ont pas encore été correctement évalués et pris en considération.

Bien que certains types de biodiesels puissent être plus propres [en terme de pollution] que le diesel d'origine fossile, d'autres ne le sont pas du tout (voir ci-dessous). La combustion du bioéthanol produit des agents mutagènes et carcinogènes ; de plus, elle augmente les niveaux d'ozone dans l'atmosphère [24] ( Ethanol from Cellulose Biomass Not Sustainable nor Environmentally Benign , SiS 30). [ ¤ ]

[ ¤ La version en français s'intitule : ' L'éthanol de la biomasse (cellulose) n'est pas soutenable ni anodin pour l'environnement ' ; elle sera bientôt disponible sur Internet.

Le bilan énergétique et les économies de carbone sont globalement défavorables dans l'ensemble

Les biocarburants sont évalués et classés de différentes manières qui ne sont pas complètement transparentes, quant au rendement énergétique et aux émissions de carbone dans l'atmosphère. Ce sont ces deux critères que j'emploierai par la suite. Le bilan énergétique est défini par les unités d'énergie des biocarburants produits par unité énergétique consommée pour les fabriquer. Les économies de carbone sont basées sur le pourcentage des émissions de gaz à effet de serre qui sont épargnées en produisant et en employant un biocarburant donné au lieu de produire et d'employer la même quantité d'énergie d'un carburant fossile.

Les biocarburants donnent généralement un bilan énergétique faible ou négatif d'après une analyse qui repose sur le cycle vital. En fait, la plupart du temps le bilan énergétique est négatif lorsqu'une comptabilité appropriée est faite [1]. Cela signifie que l'énergie contenue dans les biocarburants est inférieure à la somme de l'énergie qui a été dépensée en les fabriquant. Il est probable que l'économie de carbone soit également défavorable quand tous les coûts sont imputés et comptabilisés dans l'évaluation.

Actuellement, la plupart des audits qui ont été effectués sur les problèmes d'énergie indiquent un bilan énergétique positif en incluant la teneur en énergie des sous-produits, tels que les tourteaux qui proviennent des résidus quand de l'huile a été extraite, qui peuvent être employés comme aliments pour les animaux d'élevage (cependant il n'en est pas toujours ainsi en règle générale) [7].

Ces audits n'incluent pas les investissements d'infrastructure, tels que les coûts en carbone et en énergie pour construire les usines de raffinage, les routes et des dépôts qui sont indispensables pour le transport et la distribution, et encore moins les frais relatifs à l'exportation vers un autre pays. Aucun audit n'inclut les incidences sur l'environnement [6].

Un seul cas a été analysé par des chercheurs de l'Institut flamand pour la recherche technologique, commandité par l'Office belge pour les affaires scientifiques, techniques, et culturelles et la Commission Européenne ; il a constaté que [25], le « carburant biodiesel pose plus de problèmes de santé et en matière d'écologique parce qu'il crée plus de pollution particulaire, qu'il libère plus de polluants qui favorisent la formation de l'ozone, qu'il produit plus de déchets et qu'il cause davantage d'eutrophisation . »

Une compilation des estimations du bilan énergétique et des économies de carbone est donnée dans l'encadré 1 . On estime que le bioéthanol de canne à sucre au Brésil a un bilan énergétique qui se situe autour de 8,3 en moyenne et jusqu'à 10,2 dans le meilleur cas ; il se place bien loin devant n'importe quel autre biocarburant, particulièrement ceux qui sont produits dans les régions tempérées, pour lesquels les évaluations s'étendent au mieux de 2,2, à des valeurs en dessous de 1, c'est-à-dire un bilan énergétique négatif.

L'économie de carbone du bioéthanol brésilien de canne à sucre varie entre 85 et 90 pour cent ; il se place également devant tous les autres biocarburants, qui varient de 50 pour cent à moins 30 pour cent ; c'est-à-dire, que les biocarburants dégagent 30 pour cent de plus d'émissions de gaz à effet de serre pour leur production et leur utilisation que l'équivalent en énergie dans les carburants fossiles.

À deux exceptions près, toutes les évaluations incluent l'énergie des sous-produits mais elles excluent les coûts d'infrastructure. Aucune évaluation n'inclut les dommages à l'environnement ou l'épuisement des sols cultivés, ni les coûts d'exportation vers un autre pays.

Comme on peut le constater dans l' encadré 1 , à l'exception du bioéthanol brésilien à partir de la canne à sucre, aucune des sources bioénergétiques ne donne d'assez bons retours sur investissements pour l'énergie et pour les émissions de carbone, même avec la meilleure volonté du monde. Si une comptabilité appropriée et réaliste était mise en oeuvre, quasiment tous les biocarburants pourraient avoir comme conséquence un bilan énergétique et une économie de carbone négatifs.

Encadré 1

Bilan énergétique et économies de carbone avec le biodiesel et de bioéthanol

Biodiesel

Bilan énergétique

Économies de Carbone

Colza OSR (UE) [7]

1.59

52%

Colza OSR (R-U) [26]

1.78

Colza OSR (UE) [5]

1.90

Colza OSR (Australie) [27]

50%

Soja (USDoE) [28]

2.22

40%

Soja (US) [29]

0.53 *

Bioéthanol

Blé et betterave à sucre (UE) [7]

1.08

27%

Maïs (US) [7]

1.13-1.34

13%

Maïs (US) [29]

0.78 *

Maïs (US) [30]

1.14

11%

Maïs (US) [7]

0.61

-30%

Maïs (US) [7]

1.65

Maïs (Nord France) [7]

1.03

24%

Maïs (Nord France) [7]

0.94

17%

Betterave à sucre (UE) [5]

1.18

Bois (US) [7]

0.64

Bois (Scandinavie) [7]

0.80

Canne à sucre (Brésil) [31]

8.30 - 10.20

85 – 90%

* Comprend les coûts d'infrastructure et exclut les sous-produits

Il y a des facteurs qui expliquent le succès relatif du bioéthanol de canne à sucre brésilien. Indépendamment du taux de croissance prolifique de cette plante dans la zone tropicale du Brésil, la production implique un cycle fermé, où l'énergie indispensable pour les procédés de raffinage et de distillation vient de la combustion des résidus de canne à sucre ; par conséquent aucun combustible fossile n'est nécessaire. Le raffinage et la distillation sont de très grands consommateurs d'énergie, particulièrement pour le bioéthanol. Le bilan énergétique très favorable sera sensiblement réduit quand les coûts d'infrastructure et d'exportation seront inclus, bien qu'il restera probablement encore positif.

Mais même avec une comptabilité positive pour l'énergie et le carbone, il subsiste des doutes sérieux pour que le bioéthanol de canne à sucre soit soutenable ou durable ( Biofuels Republic Brazil , dans la même série). [ ¤ ]

[ ¤ La version en français s'intitule : ' Energie Brésil : le pays des biocarburants ' ; est sera prochainement accessible sur Internet.

Parmi les soucis principaux et les risques, on trouve les impacts écologiques et sociaux, y compris la sécurité alimentaire. Ces impacts sont particulièrement importants dans un pays où les droits de l'homme et les droits fonciers et de propriété de la terre sont encore très problématiques.

Il y a beaucoup d'approches comptables erronées et fausses qui gonflent les économies d'émissions de carbone. Par exemple, la perte énorme de carbone organique du sol due à la culture intensive de la canne à sucre, qui remplace les forêts et les pâturages, n'a pas été prise en compte [32], ni le fait que les forêts naturelles, si elles avaient été maintenues, épargneraient 7 tonnes de plus de gaz carbonique par hectare tous les ans que ce qui est épargné par le bioéthanol émanant d'un hectare de canne à sucre [33]. Et ce ne sont pas là les seuls exemples qui démontrent que le système comptable de référence est faussé.

Des crédits de carbone faussés, à propos du biocarburant fabriqué à partir du Jatropha en Afrique australe

Selon des règles internationales, aucun gaz à effet de serre, lié à la production des biocarburants, ne pourra être attribué au secteur des transports. Les émissions qui se manifestent pendant les diverses phases de la production des biocarburants seront décomptées vers les secteurs agricoles et industriels et/ou au titre des émissions du secteur de l'énergie.

En outre, toutes les émissions qui viennent de la mise en culture et du raffinage dans des pays du tiers monde, compteront comme des émissions de ces pays ; ainsi, un pays qui importe des biocarburants, tel que le Royaume-Uni par exemple, peut les mentionner pour améliorer son inventaire de gaz à effet de serre. Ceci permet à de riches pays importateurs d'externaliser une partie de leurs émissions de carbone et de demander des crédits correspondants en se référant aux termes du Protocole de Kyoto [33]. C'est de cette manière que des plantations d'arbustes oléifères - comme l'espèce Jatropha - ont été mises en place au Malawi et en Zambie. [voir ci-dessous Afrique – Carte générale]

Jatropha est une plante résistante à la sécheresse qui exige peu ou pas d'intrants comme des pesticides ou des engrais. Les graines de Jatropha peuvent être récoltées 3 fois dans la même année et les sous-produits peuvent être employés pour faire du savon et même en médecine. Le raffinage est réalisé en Afrique du Sud. Beaucoup de fermiers sont passés de la culture du tabac à celle du Jatropha qui est considéré une bonne solution, car le tabac est une espèce dont la culture est dommageable pour l'environnement. Jusqu'ici, il y a 200.000 ha de Jatropha au Malawi et 15.000 ha en Zambie ; presque toutes ces surfaces font l'objet d'un bail formel ou d'accords avec la société D1-Oils qui est basée au Royaume-Uni.

L'Afrique australe est l'une des régions les plus vulnérables au monde pour ce qui concerne le changement climatique. Toutes les modélisations sur l'évolution du climat prévoient que la région (ne comprenant pas la majeure partie de l'Afrique du Sud, du Lesotho et du Swaziland) deviendra beaucoup plus chaude et sèche, avec des sécheresses plus fréquentes et plus graves, entremêlées par des périodes de graves inondations. Ceci pourrait être la cause d'échecs retentissants au niveau des cultures et un effondrement de la production alimentaire.

Environ 80 pour cent de la population de la Zambie comptent sur la biomasse pour tous, ou pour la plupart de leurs besoins énergétiques : il y a seulement 12 pour cent de la population qui a accès à l'électricité. Au Malawi, 90 pour cent de la production d'énergie primaire viennent de la biomasse, c'est-à-dire du bois de chauffage et du charbon de bois. La plupart des personnes vivant en milieu rural comptent sur la combustion du bois de chauffage, souvent pour alimenter des fourneaux de cuisson inefficaces qui causent une grave pollution et qui sont une cause importante de la mauvaise santé mauvaise et de la mortalité. Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement affectées.

Les plantations de Jatropha peuvent avoir des impacts sérieux sur la sécurité alimentaire et énergétique de la région, et tout particulièrement si elles augmentent. Jusqu'ici, il n'y a eu aucune étude sur l'analyse des cycles vitaux ou sur la durabilité concernant le biocarburant fabriqué à partir de l'espèce Jatropha .

Ce dont nous avons besoin maintenant : un audit transparent sur ldes cycles vitaux, une évaluation des impacts sur l'environnement et un système obligatoire de certification

Il est bien évident que les biocarburants nous arrivent actuellement sous différentes formes et que la plupart ne sont pas neutres du point de vue du carbone. Il y a un besoin pressant d'auditer de façon transparente les cycles vitaux, d'énergie et des émissions de carbone, ainsi que d'autres critères de durabilité et de facteurs qui peuvent avoir des impacts sur la santé, l'environnement et le bien-être social.

Beaucoup ont réclamé un système obligatoire de certification basé sur des critères clairs de soutenabilité et de durabilité qui sauvegardent les écosystèmes forestiers les plus sensibles du monde, ainsi que la fertilité à long terme de nos terres et de nos sols cultivables. Ces critères devraient également garantir la souveraineté alimentaire (le droit d'être assuré d'approvisionnements alimentaires correspondants aux choix des personnes et des populations), ainsi que l'accès à la propriété foncière et le droit au travail pour tous.

Nous avons beaucoup de solutions de rechange renouvelables et véritablement soutenables aux biocarburants actuels comme cela a déjà été décrit dans le rapport d'ISIS 2006 sur l'énergie [34] ( Which Energy? ). Nous avons proposé d'assembler toutes ces options dans le concept ' Dream Farm 2 ' , la ' Ferme Visionnaire version 2', un ensemble intégré produisant nourritures et énergie, avec 'zéro-émission' et 'zéro-déchet' [35] ] ( Dream Farm 2 - Story So Far , SiS 31).

[ ¤ La version en français s'intitule : ' La ferme visionnaire – Une proposition - Comment faire face au changement climatique et imaginer l'économie après la fin des combustibles et carburants fossiles ' ; elle peut être consultée sur les sites suivants : www.indsp.org/pdf/DreamFarm-2- FR et www.apreis.org/actu_vf.html

Le cœur de la technologie utilisée est la digestion en anaérobiose , qui transforme les déchets (et des matières polluantes pour l'environnement) en une forme de biogaz qui contient au moins 50% de méthane et permet ainsi d'alimenter des véhicules et également de générer de l'électricité.,

J'ai estimé que si tous les déchets organiques et provenant du bétail en Grande-Bretagne étaient traités dans des digesteurs en anaérobiose, ils fourniraient plus que la moitié du carburant nécessaire aux transports dans le pays [36] ( How to be Fuel and Food Rich under Climate Change , SiS 31). [ ¤ ]

[ ¤ La version en français s'intitule : ' Comment être bien pourvus en carburants et en nourriture malgré le changement climatique ' ; elle sera bientôt disponible sur Internet.

Évidemment, les véhicules auront besoin d'un moteur adapté, mais de telles voitures sont déjà sur le marché, et les voitures alimentées avec du méthane au biogaz ont des émissions d'échappement si propres qu'elles ont été classées et élues comme « meilleures voitures pour notre environnement » au cours de l'année 2005.

Mais le plus remarquable dans tout cela, c'est que la 'Ferme Visionnaire 2' , 'Dream Farm 2' fonctionne entièrement sans aucun carburant ni combustible d'origine fossile. Comme le dit Robert Ulanowicz, Professeur d'écologie théorique : « je parie que les gens seront étonnés de constater avec quelle rapidité les niveaux de gaz carbonique dans l'atmosphère vont diminuer si nous arrêtons la combustion des matériaux fossiles . »

Article first published 11/12/06


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