Science in Society Archive

OGM : Des produits pharmaceutiques, issus de plantes génétiquement modifiées, sur le marché Américain

Le Professeur Joe Cummins vient de découvrir que des plantes génétiquement modifiées et productrices de dangereuses substances à usages pharmaceutiques, ont été produites et mises en marché aux Etats-Unis depuis au moins deux ans.

Cette situation s'est déroulée à l'insu du public et grâce une énorme lacune des procédures réglementaires [touchant la santé publique] aux Etats-Unis.

Le texte original en anglais et les références sont accessibles sur le web par : https://www.i-sis.org.uk/GMBIM.php

Traduction de Jacques Hallard, Ing.CNAM, Consultant indépendant. Note : les parties entre crochets [..] sont ajoutées par le traducteur dans le but d'éclairer éventuellement le lecteur francophone.

Quelques abréviations utilisées aux Etats Unis :

OGM = Organisme Génétiquement Modifié.

APHIS = Animal Plant Health Service = Service de Santé Végétale et Animale

EPA = Environmental Protection Agency = Agence de protection de l'environnement.

FDA = Food and Drug Administration = Administration des produits alimentaire et pharmaceutiques.

USDA = United State Department of Agriculture = Ministère de l'Agriculture des Etats-Unis.

Quelques définitions :

Anaphylaxie : choc d'origine allergique se manifestant par une baisse brutale de la tension artérielle, due à une dilatation extrême des vaisseaux sanguins. Ce choc survient après un contact avec une substance allergisante (aliment, piqûre d'insecte, injection ou absorption de médicament). Contrairement à ce qui est observé lors des chocs de cause non allergique, les membres de la personne inanimée sont colorés et chauds, et non pâles et froids.

Plantes transgéniques : plantes ayant fait l'objet d'une transformation génétique = OGM.

Tératogène = qui provoque des malformations au niveau de l'embryon.

Transgène = séquences d'ADN intégrées dans le génome des plantes génétiquement modifiées.

Transformation ou manipulation génétique = transgénèse = ensemble de manipulations qui consistent à intégrer de l'ADN recombiné d'origine(s) diverse(s) dans du matériel vivant receveur.

Des produits pharmaceutiques issus de plantes génétiquement modifiées se retrouvent sur le marché aux Etats-Unis.


Il y a eu récemment une grande affaire d'opposition du public aux Etats-Unis à propos de l'expérimentation d'un riz génétiquement modifié pour produire les protéines lysozyme et lactoferrine (1). Jusqu'à maintenant, ces essais avaient été freinés (lire Science in Society, N° 22, Summer 2004).

Mais la société de produits chimiques « Sigma-Aldrich » a mis sur le marché les spécialités pharmaceutiques trypsine , avidine et beta-glucoronidase ( ou GUS) produites à partir de maïs transgéniques, depuis au moins trois ans. (2).

Pendant ce temps, les sociétés « Prodigene Corporation » et « Sigma-Aldrich » ont commercialisé l' aprotinine « AproliZean » obtenue à partir de maïs (3) et d'un tabac transgénique (4).

La trypsine est une enzyme digestive abondamment utilisée dans la recherche, mais aussi pour traiter certaines maladies et dans l'industrie agroalimentaire. La spécialité « TrypZean » est vendue comme un produit animal et elle est élaborée conjointement par « Sigma-Aldrich » et « Prodigene » ; c'est cette dernière société qui avait été condamnée à une amende, l'an dernier [2003] aux Etats-Unis, pour avoir contaminé des plantes destinées à l'alimentation à partir de produits pharmaceutiques synthétisés par des plantes génétiquement modifiées (5).

Le développement de plantes alimentaires génétiquement modifiées suit en principe une certaine procédure aux Etats-Unis . Tout d'abord des expérimentations contrôlées sont entreprises en plein champ pendant un certain nombre d'années. Puis le demandeur fait une demande de dérèglement pour les plantes génétiquement modifiées, suivie d'un examen critique par :

  • le Service de Santé Végétale et Animale [Animal Plant Health Service = APHIS] dépendant du Ministère de l'Agriculture [USDA],
  • l'Administration de l'Alimentation et des produits pharmaceutiques [Food and Drug Administration = FDA] et par
  • l'Agence de protection de l'environnement [Environmental Protection Agency = EPA],

si la plante est génétiquement modifiée pour synthétiser un pesticide.

Cependant, il apparaît qu'aucune des plantes génétiquement modifiées pour produire des substances à usage pharmaceutique, n'ait été soumise aux procédures réglementaires habituelles. Il apparaît au contraire qu'elles sont passées des expérimentations au champ à la commercialisation, sans donc avoir bénéficié d'une autorisation finale, et ceci avec la complaisance de la FDA et de l'USDA.

A noter que le Ministère de l'Agriculture [aux Etats-Unis], a des intérêts bien compris dans [l'élaboration de] certains des produits pharmaceutiques. Les spécialités pharmaceutiques se sont donc retrouvées sur le marché après avoir emprunté une porte dérobée, à cause d'une lacune dans la réglementation des expérimentations au champ.

Selon la « Pew Initiative » sur les biotechnologies et l'alimentation, la réglementation courante de l'APHIS permet la commercialisation d'une plante génétiquement modifiée sans une autorisation préalable de l'agence et sans une notification publique. Les promoteurs n'ont pas besoin de déposer une déclaration avant qu'ils ne produisent une plante dans un but commercial. Les promoteurs ont la possibilité de cultiver des plantes à une échelle commerciale sous notification ou autorisation d'expérimentation au champ, même sur les plantes qui peuvent présenter des risques identifiables pour l'environnement ou pour la santé humaine (6).

Les moyens de production agronomique sont autorisés comme « expérimentations au champ », mais la localisation de tels moyens est classée comme « information commerciale confidentielle » et elle n'est pas divulguée à la population vivant dans les alentours, même si les gènes et les produits [élaborés] sur ces sites peuvent facilement contaminer d'autres cultures, les nappes phréatiques et les eaux de ruissellement. Il ne semble pas qu'il existe un moyen direct de se renseigner sur les localisations de ces moyens de production, sauf à interpeler les producteurs ou les contrôleurs officiels.

Le gouvernement états-unien paraît engagé dans cette procédure qui court-circuite l'information et la vigilance des populations; ces dernières mesures seraient susceptibles de menacer l'exportation des produits alimentaires états-uniens, si elles étaient révélées au public.

A l'opposé [de ce système fonctionnant aux Etats-Unis ], le service canadien de l'inspection des aliments affirme que les « les produits végétaux des sites expérimentaux ne peuvent pas être mis sur le marché » (7), même si de nombreux produits végétaux à usages pharmaceutiques ont été expérimentés.

La réglementation des substances à usage pharmaceutique dérivées des plantes a fait l'objet d'une revue par la FDA en 2000 (8) et par la « Pew Initiative » en 2004 (6). Le rapport « Pew » est le seul à s'être confrontré avec cette pratique qui consiste à mettre en place des produits commerciaux sans information du public.

Un rapport des produits de la société « Prodigene » a été publié en 2002 (9). Comme nous l'avons déjà indiqué, les autorisations de parcelles expérimentales de plantes produisant des protéines à usage pharmaceutique sont généralement classées comme information commerciale confidentielle, de sorte que la nature des produits est ignorée du public, de même que la localisation des sites. Cependant, l'APHIS enregistre la plante et l'état dans lequel l'OGM est testé. Entre 2003 et 2004, « Prodigène » avait des parcelles expérimentales dans le Nébraska, au Texas, dans l'Iowa et le Missouri (10).

La majeure partie des produits pharmaceutiques commerciaux faisaient appel au maïs , bien que celui-ci soit une espèce alimentaire d'importance capitale, et qu'il n'aurait jamais du être utilisé pour produire ces substances à usage pharmaceutique, et tout particulièrement lorsque ces produits ne sont pas bénins pour les êtres humains et les animaux qui y sont exposés.

La trypsine est une enzyme produite dans le pancréas pour la digestion des protéines. Elle est abondamment utilisée dans les applications de laboratoire, dans le traitement des plaies et pour soigner les diabètes. Elle est également mise en œuvre dans l'industrie agroalimentaire et souvent ajoutée aux formulations destinées aux enfants pour faciliter la digestion. Le produit émanant de plante est recherché car il est [supposé] ne pas contenir de prions et d'autres virus animaux (11).

Selon les informations concernant la sécurité, fournis par ses fabricants, la trypsine est susceptible de causer des allergies – c'est un produit irritant de la peau, des yeux et du système respiratoire – et il pourrait être mutagène (12, 13).

L' avidine est une protéine que l'on trouve dans les œufs d'oiseaux. Elle agit en se liant à la vitamine biotine qui est indispensable chez beaucoup de parasites animaux. Ces derniers sont inactivés par l'absence de la biotine qui leur est nécessaire. Le maïs transgénique modifié pour la production d' avidine est résistant aux insectes pendant la conservation [des graines] (14, 15).

Un dossier réalisé par l'association « Les Amis de la Terre » a apporté la preuve substantielle selon laquelle la protéine avidine cause des carences sérieuses chez les êtres humains et les animaux, conduisant à une déficience immunitaire et à un retard de croissance (16). De même, une carence marginale en biotine est tératogène chez la souris (17) et elle est impliquée dans des anomalies congénitales chez les humains (18).

L' aprotinine est un inhibiteur de protéase habituellement préparée à partir de pancréas et de poumons bovins. Une aprotinine recombinante produite par des plantes [génétiquement modifiées] est couramment distribuée commercialement, comme nous l'avons déjà indiqué. Bill Freese de l'association « Les Amis de la terre » a fait une étude sur ce produit et sur le problème de l'allergie et de maladies pancréatiques résultant de l'ingestion de ce produit pharmaceutique d'origine végétale (19).

De plus, l' aprotinine est classée comme pouvant provoquer des risques au niveau de la reproduction (20). Il y a un grand danger chez les personnes qui sont en contact avec l' aprotinine , lorsqu'elles ont déjà subi une exposition antérieure. Par exemple, un enfant de deux ans souffrant d'un choc anaphylactique grave après avoir été soumis à une dose expérimentale d' aprotinine (21).

Une anaphylaxie mortelle après une exposition à l' aprotinine a été enregistrée lors d'une application locale de « fibrin glue » [lors d'une anesthésie] (22). Une application similaire a conduit à réaction immédiate de l'épiderme après une nouvelle exposition à un « fibrin sealant » [lors d'une transfusion sanguine] (23).

L'expérimentation secrète en plein champ de plantes cultivées en vue de la biosynthèse d'aprotinine chez des plantes OGM, peut conduire à des anaphylaxies graves, voire mortelles, soit après une brève exposition à un champ de maïs [OGM] chez une personne qui a été antérieurement traitée lors d'une opération chirurgicale, soit par l'exposition d'une personne à un champ de maïs [OGM] et qui subit ensuite un traitement pendant une intervention chirurgicale.

La dernière protéine recombinante commercialisée est la beta-glucuronidase = GUS . Elle est utilisée dans large gamme de situations expérimentales mais elle n'apparaît pas comme ayant une grande importance thérapeutique. Il a été observé que les formules de laits pour enfants ont une faible teneur en GUS tandis que le lait maternel présente un taux élevé de GUS .

Un taux élevé de GUS est impliqué dans les cas de bilirubinémie ou jaunisse des enfants nourris au sein (25). La GUS est fréquemment utilisée comme marqueur [au niveau moléculaire], et l'on pense qu'elle n'a que peu d'effet sur les phénotypes des organismes expérimentaux.

Cependant, il a été démontré que la GUS était capable d'augmenter l'activité alimentaire chez le puceron du pêcher (26), ce qui suggère que ce marqueur pourrait ne pas être dénué d'effet sur les organismes vivants.

En conclusion, la production dissimulée de dangereuses substances à usage pharmaceutique, à partir de plantes normalement destinées à l'alimentation [et génétiquement modifiées], constitue un développement vraiment « perturbant et inconvenant » [source de craintes et déplacé].

La commercialisation de tels produits, sans transparence ni approbation par la population, ajoute l'insulte à l'injure, renforçant ainsi la perception de la population selon laquelle les autorités chargées des réglementations placent le profit des entreprises bien au-dessus des questions de santé publique.

Article first published 26/05/04


Références bibliographiques :

  1. Cummins J. Pharm crop stalled for now. Science in Society 2004, 22 , 28-29,
  2. Horn M, Woodward S and Howard J. Plant molecular farming: systems and products. Plant Cell Reports 2004 in press, DOI: 10.1007/s00299-004-0767-1
  3. Prodigene. 'Aprolizean recombinant aprotinin from maize', 2004, http://www.prodigene.com/pdf/AproliZean(tm)%20Backgrounder.pdf
  4. Yahoo Finance. 'LSBC and Sigma-Aldrich announce an agreement to manufacture and distribute plant-produced recombinant aprotinin', 2004, http://biz.yahoo.com/bw/040308/85333_1.html
  5. USDA News Release. 'USDA announces actions regarding plant protection act violations involving Prodigene, Inc.', 2002, http://www.usda.gov/news/releases/2002/12/0498.htm
  6. Pew Initiative on Food and Biotechnology. 'Issues in the regulation of genetically engineered plants and animals', 2004. pp1-174.
  7. Perron F. personal communication, CFIA, 2004.
  8. Graham S. 'Plant derived biologics meeting', 2000, pp1-145, http://www.fda.gov/cber/minutes/plnt1040500.pdf
  9. Hood E. From green plants to industrial enzymes. Enzyme and Microbial Technology 2002, 30, 279-83.
  10. APHIS. 'Prodigene permit activity' 2004, http://www.aphis.usda.gov/cgi-bin/parse-company.pl , pp1-2.
  11. Prodigene. 'TrypZean recombinant trypsin from maize', 2004, pp1-3, http://www.prodigene.com/pdf/TrypZean(tm)%20Backgrounder.pdf
  12. Safety data 'Safety (MSDS) data for trypsin from bovine pancreas', 2003, pp1-2, http://physchem.ox.ac.uk/MSDS/TR/trypsin.html
  13. Specialty Media. 'MSDS EDTA, MSDS and trypsin MSDS', 2004, pp1, http://www.specialitymedia.com/05Resources/MSDS%20SM-2002-C.htm4/
  14. McGraw L. Avidin an egg-citing insecticide protein in corn. Agricultural Research 2000, http://www.ars.usda.gov/is/AR/archive/aug00/egg0800.htm
  15. Kramer K, Morgan T, Throne J, Dowell F, Bailey M and Howard J. Transgenic avidin maize is resistant to storage insect pests. Nature Biotech 2000, 18, 670-5.
  16. Freese B. Biopharming: case study of avidin corn, 2002, Friends of the Earth http://www.foe.org/biopharm/csavidin.pdf
  17. Mock D, Mock N, Stewart C, LaBorde J and Hansen D. Marginal biotin deficiency is teratogenic in ICR mice. J Nutr . 2003, 133, 2519-25.
  18. Zemleni J and Mock D. Marginal biotin is teratogenic (in human). Proc Soc Exp Biol Med 2000, 223, 14-21.
  19. Freese B. Biopharming: case study of corn producing aprotinin. 2002, Friends of the Earth, pp1-5, http://www.foe.org/biopharm/csaprotinin.pdf
  20. Research Safety 'Appendix B: Reproductive Hazard', 2002, pp1-22, http://www.northwestern.edu/research-safety/pdf
  21. Ryckwaert Y, Barthlet Y, Bonnet-Boyer M, Rochette A, Capdevila X and d'Athis F. Anaphylactic shock after a test dose of aprotinin in pediatric orthopedic surgery. Ann Fr Anesth Reanim 1999, 18, 904-8.
  22. Oswald A, Joly L, Gury C, Disdet M, Leduc V and Kanny G. Fatal intraoperative anaphylaxis related to aprotinin after local application of fibrin glue. Anasthesiology 2003, 99, 762-3.
  23. Beierlein W, Scheule A, Antoniadis G, Braun C and Schlosser R. An immediate allergic skin reaction to aprotinin after exposure to fibrin sealant. Transfusion 2000, 40, 302-5.
  24. Gourley G and Arend R. Beta-Glucuronidase and hyperbilirubinaemia in breast fed and formula fed babies. Lancet 1986, 22, 644-6.
  25. Sirota L, Ferrera M, Lerer N and Dulitzky F. Betagucuronidase and hyerbiirubinaemia in breast fed infants of diabetic mothers. Arch Dis Child 1992, 67, 120-1.
  26. Cherqui A, Alla S, Saguez J, Doury G, Sangwan-Norreel B. and Giordanengo P. Probiotic effects of beta-glucuronidase on the peach-potato aphid Myzus persicae (Aphididae). J Insect Physiol 2003, 49,1199-209.

Dossier ISIS23064 – Jacques Hallard, Ing.CNAM, consultant indépendant. Adresse : 2240 chemin du Tilleul F.13160 Châteaurenard. Courriel : jacques.hallard@wanadoo.fr

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