Science in Society Archive

Thérapie génique : un cauchemar pour les souris !

Ne pourrait-il pas aussi bientôt en devenir un pour les êtres humains ?

Une percée de la thérapie génique de précision s'avère avoir beaucoup d'effets inattendus et elle est responsable de la mort de plus de 150 souris. Il est grand temps que les spécialistes de la thérapie génique adoptent une vue claire de la génétique et de la biologie, avant d'entrer en action dans leurs travaux de recherche, nous dit le Dr. Mae-WAN Ho

Le texte original en anglais et les références sont accessibles sur le web par : https://www.i-sis.org.uk/GeneTherapyMice.php

Une percée de la thérapie génique de précision, envisagée avec insistance par les chercheurs médicaux pour traiter le VIH , le cancer , les maladies neuro-dégénératives , l' hépatite et d'autres affections, s'est avérée avoir beaucoup d'effets et d'impacts inattendus, dans le courant de l'année 2005 [1]. Cela soulève des inquiétudes considérables en matière de sûreté . (voir l'article ' Controversy over gene therapy ‘breakthrough' ', 'Polémique autour d'une percée de la thérapie génique', dans la revue Science in Society N° 26).

La technique est basée sur l' ARN interférant (ARNi), qui fait appel à de courtes séquences d'ARN pour viser des gènes d'une façon spécifique, tout au moins en théorie, et les rendre silencieux.

Malheureusement, beaucoup d'autres gènes et protéines ont été affectés, la précision était en fait illusoire. Intrépides, les partisans de cette technologie ont continué, espérant que les effets inattendus seraient abordés par des recherches complémentaires.

Puis en mai 2006, le cauchemar a été dévoilé. La thérapie génique à l'aide de l' ARN interférant s'est terminée par le massacre de souris par dizaines [2, 3]. La conclusion est venue du laboratoire du spécialiste de thérapie génique Mark Kay de l'université de Stanford en Californie, aux Etats-Unis, dont l'équipe de recherche avait rapporté, il y a 3 ans, que l' ARN interférence avait inhibé le virus de l'hépatite B dans des foies de souris.

L'équipe avait administré une version améliorée du traitement avec l'ARN interférence, à des souris infectées, en utilisant un 'ARN court en épingle à cheveux' ( shRNA , short RNA en anglais), un précurseur des espèces de microARN ou 'petits ARN interférants' ( miRNA, microRNA en anglais) qui avaient été précédemment utilisés [4] (voir l'article ' Subverting the genetic text ', 'Bouleversement et corruption du texte ou programme génétique', dans la revue Science in Society N° 24 ).

Pendant les tout premiers jours, tout avait marché comme prévu. Mais au bout d'une semaine ou deux, les souris ont commencé à tomber malades, leur peau virant au jaune, provenant de dommages au niveau du foie. Plus de 150 animaux moururent et beaucoup d'autres souffrirent de toxicité hépatique. Kay et son camarade post-doctoral Dirk Grimm, alors décontenancés par la toxicité du traitement, affirmèrent, ainsi que d'autres, qu'ils avaient toujours confiance dans l'ARN interférant. « Je pense vraiment que ça peut encore fonctionner , » dit Kay.

Il eut une meilleure approche, parce que des sociétés avaient expérimenté l'ARN interférant sur des humains pour traiter un virus respiratoire et une dégénérescence maculaire depuis octobre 2004.

« Il y a quelque chose que nous devons comprendre pour nous remettre en route », dit Timothy Nilsen, chef du centre pour la biologie moléculaire de l'ARN à la Case Western Reserve University à Cleveland, dans l'état de l'Ohio, aux Etats-Unis.

L'équipe de Kay a empaqueté des gènes codant pour les molécules de shRNA dans des virus débarrassés de tout autre matériel génétique et a injecté les virus dans des souris. Les virus ont alors infecté les cellules et ont continué à produire les shRNA , de ce fait une unique dose permet d'aller beaucoup plus loin. Le virus utilisé était un virus AAV qui se situe dans le foie et probablement 90 pour cent des gènes délivrant les virus aboutirent à ce niveau.

Le virus est-il en cause ? Apparemment pas, car il n'y avait aucun problème lorsque l'on injectait les virus 'vides', dépourvus de gènes d'ARN.

Est-ce que le shRNA serait en cause ? L'équipe de Kay avait créé des dizaines de virus, faisant d'autres séquences d'ARN, et les avaient injectés à des souris non porteuses d'hépatite B. Sur les 49 séquences, 36 étaient sévèrement toxiques ; 23 étaient mortelles dans tous les cas, tuant les animaux dans les deux mois. Ainsi l'effet n'avait rien à voir avec aucun gène spécifique visé par le shRNA .

Était-ce un surdosage des 'petits ARN interférants' ou miRNA ? L'équipe de Kay a constaté que la mort était associée à de faibles niveaux de miRNA du foie des souris, qui sont nécessaires pour les fonctions hépatiques ; ceci indiquant peut-être que le shRNA injecté était en concurrence pour l'élaboration ou le transport des petits ARN ou miRNA .

Les souris moururent d'une déficience hépatique, venant probablement d'une surcharge des shRNA dans des leurs foies. L'équipe avait apparemment empêché sans risque l'hépatite B chez les souris en leur injectant un virus AAV qui produit moins d'ARN.

John Rossi, de la City of Hope à Duarte en Californie, qui travaille sur la thérapie du VIH , en faisant appel à l'ARN interférant, annonça que les résultats « n'étaient pas étonnants rétrospectivement ». Trop de molécules d'ARN supplémentaires peuvent perturber la machinerie des ARN interférants intracellulaires. Le groupe de Kay a suggéré que le petit ARN supplémentaire entre en compétition avec une protéine, l' exportin-5 , qui transporte le petit ARN ou miRNA des cellules hors du noyau.

En dépit de ces reculs et de ces avertissements, une société dénommée Sirna Therapeutics de San Franscisco en Californie, est en train de programmer pour l'année prochaine l'expérimentation d'une stratégie d'ARN interférant non viral sur des personnes souffrant d'une hépatite.

Le directeur scientifique en chef Barry Polisky de Sirna a déclaré que la société « a dépensé beaucoup de temps et fait un effort colossal » en plaçant de petits ARN ou miARN dans des animaux et des primates non humains, afin de vérifier une éventuelle toxicité et qu'il n'a rien rencontré qui ressemble à ce que l'équipe de Kay a trouvé.

Mais Nilsen n'est pas pour autant convaincu. « Je pense il est prématuré de dire à ce moment que quelque chose est plus sûr et sans danger », dit-il.

Kay déclara : « Les personnes qui travaillent dans ce domaine ont compris que ce n'était aucunement le clou du spectacle - si quelque chose offrait davantage d'information permettant d'aller de l'avant » [5].

La seule raison de s'accrocher à la croyance que la thérapie génique actuelle de l'ARN interférant chez l'homme est sûre et sans danger, réside dans le fait que le groupe de Kay a employé le shRNA plutôt que le miRNA , lequel se situe en aval du shRNA .

Mais si le shRNA entre en concurrence pour limiter les quantités d'une protéine exportant le petit ARN hors du noyau, cela se produirait de toutes façons, que ce soit le miRNA ou le shRNA qui seraient employés.

À mon avis, la thérapie génique faisant appel à l' ARN interférence ne présente pas dans l'ensemble une sûreté suffisante, parce que les effets ne sont pas, et ne peuvent pas être spécifiques, encore plus que dans le cas de thérapie conventionnelle qui fait appel à l'ADN [6] (voir l'article ' Gene therapy woes ', 'Les malheurs de la thérapie génique' dans la revue Science in Society N° 26 ).

Les nombreuses espèces d'ARN interviennent et interfèrent à chaque niveau de la fonction du gène [4] (lire l'article ' Subverting the genetic text ', 'Bouleversement et corruption du texte ou programme génétique', dans la revue Science in Society N° 24 ). De plus, il lui est impossible de viser les effets avec précision, parce que les dessous de l'ARN interférant sont gigantesques, correspondant à quelques 97 ou 98 pour cent de l'activité de la transcription dans la cellule.

Par ailleurs, la spécificité dépend de faibles niveaux des séquences correctes qui sont produites au bon moment, dans les endroits appropriés, dans un consensus moléculaire dynamique, 'une sorte de danse de la vie' qui est l'essence de la fluidité du génome [7] (voir le livre ' Living with the Fluid Genome ') [Pour de plus amples détails, se reporter au site Internet suivant : www.i-sis.org.uk/ fluidGenome .php ]

[Dans cet esprit, on peut utilement se reporter à l'article de Mae-Wan Ho, intitulé ' La vie après le cauchemar des manipulations génétiques ' , qui est accessible sur le site de l'ISP suivant : www.indsp.org/LifeAfterGEFR.php ].

Les spécialistes de la thérapie génique devraient vraiment adopter une position convenable et holistique, en considérant les systèmes de la génétique et de la biologie, avant de créer plus de maladies qu'ils ne pourraient en traiter.

Article first published 12/07/06


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